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Etat d'ame...par madame...
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  • Etat d'ame...par madame...

    Etat d'ame d'une amie qui a tradé pendant quelques semaines..

    Mamy fait de la bourse
    Rien de plus simple que de gagner de l’argent à la bourse. Philippe me l’a montré en 2006. Un clic de souris : j’achète. Un autre clic de souris : je vends. La différence moins les frais sera comptabilisée sur mon compte. Parfois je vends d’abord, j’achète après. C’était un peu long de faire comprendre ça à la petite ménagère que j’étais alors.
    Je joue sur un indice, le Cac. Par l’alchimie des intervenants innombrables connectés à travers le monde sur cette toile d’araignée qu’est le Web, une jolie courbe émerge tous les matins. Minute par minute, heure par heure. Le traitement statistique se fait en temps réel et le trader averti utilise la représentation en bougies, une bougie par minute. Rouge, quand la tendance va vers la baisse. Vert, quand ça monte. Je peux choisir le court terme, le long terme. Moi, je joue, quand je joue,c'est le court terme. Comme un chat en attendant la souris, comme un lapin hypnotisé, je guette le mouvement de cette courbe qui émerge du matin. Tendance vers la hausse, tendance vers la baisse ? Quelle vitesse se dessine, quel cinétique ? Etre là quand il y a une accélération, voilà le rêve. Une qui fait gagner en quelques minutes 30, 50 points. Celle-ci vient après un temps d’accumulation. Comme les petites voitures qu’on frotte plusieurs fois avec des petits mouvements par terre et qui foncent quand on les lâche ensuite. A observer la vie de la courbe, on préssent le moment. La fébrilité monte. Il faut choisir. Hausse ou baisse ? Pour cerner la prise de décisions, il y a d’autres phénomènes à prendre en considération. Le marché réel, par exemple. Il y a des nouvelles qui font « grimper le marché », d’autres le font chuter. Le marché, ce monstre à têtes multiples. Y a des gens qui se lèvent tous les matins pour remplir les étalages de ce marché qui s’est construit depuis la nuit des temps à travers la circulation des biens. Tant qu’il y aura des hommes qui consomment pour exister, il y aura des marchés. Et la bourse les coiffe, pour qu’ils n’aient pas froid. Elle amortit les fluctuations des prix, elle permet une certaine stabilité. C’est mécanique. Croire qu’on puisse exister sans la bourse est une erreur. Abolir la bourse obligerait à revenir au temps du troc. Il paraît que cela se pratique de plus en plus, ces derniers temps. Cours de rattrapage en math contre réparation de ma chaudière. Faut-il encore trouver un plombier qui ait un fils faible en math.
    On peut l’appeler de la spéculation, ou alors dire : je fais des hypothèses sur l’avenir. Avec mon clic de souris, je décide : les entreprises du CAC vont vers l’embelli. Clic, assez embelli. Retour à l’austérité. Les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel, on le sait bien. Vaut mieux vendre en haut qu’en bas, vaut mieux acheter en bas qu’en haut. C’est grisant. C’est un peu comme si je faisais le mouvement. Un peu comme l’année ou les bleus ont gagné la coupe du monde. Je n’ai jamais touché un ballon de foot, j’avais du mal à cerner qui allait vers quel but. Mais la victoire, c’était autant la mienne que celle des joueurs. Sans me casser la tête à de longs entraînements. Comme un maître d’école, je calque ma volonté sur les esprits des courbes qui montent et descendent au point de ne plus savoir distinguer ma volonté de la leur. On ira toujours plus haut, je le sens. C’est possible. La tour de Babel, elle s’est effondrée parce qu’ils ne savaient pas, eux. Nous, avec la technique, on peut aller toujours plus loin, toujours plus haut. Les arbres vont finir par monter jusqu’au ciel. Jacques et l’haricot magique va quitter le monde des contes pour nous dire « bonjour ».
    Je pourrais jouer sur plusieurs indices, si je voulais. Mais je fais ça juste pour le fun. Chaque point gagné me rapporte 10 Euros moins les frais. Chaque point perdu me coûte 10 Euros plus les frais. La perte est donc mathématiquement moins avantageuse. Non seulement mathématiquement. Quand j’ai misé sur le bon mouvement (qu’elle monte ou qu’elle descente : c’est le mouvement qui rapporte ! Le mouvement, ce n’est pas « seulement » la vie, c’est un potentiel de gain), je suis inondée des hormones du bonheur. Le ciel est plus haut, le soleil plus brillant. Plus de problèmes terrestres, tout paraît facile. J’ai pris la bonne décision, je le savais. Qu’ils sortent ces imbéciles qui se crèvent à la tâche à faire du pain, d’évacuer les poubelles, à monter des murs. C’est si simple de devenir riche !!!!
    Parfois, les courbes ne suivent pas mon intuition. Je ne me donne pas vaincu pour autant. La guerre est déclarée. Il s’agit de garder toute la lucidité, de prendre les bonnes décisions au bon moment. La méthodologie suivie se découpe en quatre étapes :
    1. « Ce n’est pas vraie !!!!». Tout le monde peut se tromper, même la bourse. Et parfois c’est vrai : la courbe dessine une feinte vers le haut avant de tomber dans le bas, ou alors le contraire (feinte vers le bas et échappée par le haut). Cela vaut toujours le coup de serrer un peu les fesses. Mais parfois, la tendance contraire à celle que j’ai investie, persiste. Une fois les fesses trop serrées, il arrive de se retrouver dans la m…., un compteur qui dégringole à vitesse grand V.
    2. Je me dis alors que je n’étais pas dans le bon timing. Ils vont remonter, il suffit d’être un peu patient. Tant pis pour la perte dans l’immédiat. Il suffit d’être bien sage, de faire le mort. La bourse finit toujours par monter. Un jour, j’ai frôlé comme ça la banqueroute, c’était en début 2008. Même pas peur, j’ai dit à mon copain. C’était le jour ou une banque de grand renom a eu des déboires avec un apprenti trader. Après une telle frayeur, on aime son « lot », celui qu’on a acheté cher et avec lequel vous êtes descendu dans l’enfer, celui qui vous a fait flirter avec la mort. Impossible de le lâcher à petit prix, celui-là. Je voulais le lâcher à 5048 points. Ce jour, le sommet infranchissable était 5047 ½. Me voilà devant l’écran en train de puiser dans l’arsenal des conjurations de la sorcellerie médiévale. La pensée magique sommeille en chacun de nous. Parfois, ça marche. Parfois, ça ne marche pas. Mais comment savoir dans quel cas de figure vous vous trouvez ? La descente en enfer, on ne l’accepte pas deux fois. Pas moi, en tout cas, petite ménagère, femme d’un certain âge. Epuisé, vous lâchez votre maudit lot pour trois fois rien, c'est-à-dire il vous coûte cher ! En général, vous lâchez juste avant le rebond. Oui, c’est comme au tennis. Plus la chute est forte, plus le cours rebondit (ou ne rebondit pas).
    3. La colère vous fait monter le sang. C’est la faute aux américains, c’est de la manipulation, ce n’est pas juste. Délit d’initié, ils savaient, eux. Ils ont fait exprès pour soutirer l’argent du petit compte de la petite ménagère que je suis, celle qui n’en veut à personne, qui fait mal à aucune mouche (sauf celle qui me cherche, normal.) Ils font exprès de nous appâter avec le gain facile. Ça fonctionne comme ça, les sectes. D’abord, vous êtes la plus gentille, un vrai enfant prodige. Une fois votre compte vidé, vous retournez à vos fourneaux. Mais ils vont savoir de quel bois je me chauffe…. Et vlan, encore un coup de clic. Et vlan, encore un coup de clic. Trois points gagnés. Encore trois points…. Je brave le destin.
    4. Moins trente points. Madame, votre margin ne vous permet plus de trader. Tristesse, accablement. Fini le rêve du château, fini la promesse d’une retraite paisible sur un yacht dans le sud de la France (j’aurais préféré une péniche, à vrai dire. Je suis écolo, moi !) Je retourne à mes casseroles et je touille ma sauce blanche, le cœur chargé du deuil des fortunes qui se sont dressé devant moi comme les Fata Morgana dans le Sahara. Si seulement… j’avais lâché mon lot un peu plus tôt. J’aurais du retourner la position, et me voilà riche. A quoi ça peut tenir, un tout petit clic…
    Depuis que je suis retournée à mes casseroles, j’observe la bourse comme on observe une manif du haut de son balcon. Un jour, j’étais dedans. Aujourd’hui, je suis en marge. Je ne suis plus dedans. Que se passera-t-il quand plus personne ne manifeste ? Je retournerai probablement à mes casseroles et ma sauce blanche n’attachera plus et elle n’aura plus de grumeaux. Je vais pouvoir me concentrer sur mon travail et le faire bien.
    Pour l’instant, je préfère la cuisine plus simple. La fascination pour les tribulations de la bourse absorbe une bonne partie de mon énergie vitale. C’est comme le jour du 11 septembre. Je reste devant la télé et je me dis : ce n’est pas possible. L’immeuble s’effondre sous nos yeux et nous ne pouvons plus rien faire. Un pan de mur après l’autre, un étage après l’autre. Sauve qui peut. Ce qui paraissait irraisonnable avant, (par exemple de sauter par la fenêtre du 50ième étage), apparaît comme seule action possible pour sauver « sa » mise. L’important, c’est de s’en sortir vivant. Jusqu’où vont-ils aller ? Le Cac à O, est-ce possible ? Une nouvelle ère se profilerait, une ère sans bourse ? « On » ne peut pas laisser faire ça. » Les pompiers se mettent en place. Injecter des liquidités, ils appellent ça, les « autorités ». Ca ne marche pas. Y a plus de « confiance » dans les marchés. Comment rétablir la confiance ? Le capital confiance, comment rétablir le capital confiance ?
    Mon capital confiance à la bourse est épuisée. Il était mathématique et s’appelle «margin ». C’est ce que les plateformes de trading mettent en place pour assurer la solvabilité des acteurs intervenants. Si je veux à nouveau intervenir, il va falloir que je mette un peu d’argent de côté en travaillant « honnêtement ». Ou alors je trouve quelqu’un qui fait confiance à mes capacités de trader de faire de l’argent avec du vent et qui me prête un peu. Pendant deux ans, je me suis fait un peu de beurre à la bourse. Le beurre a fondu à la vitesse grand V. Même si on me prêtait de l’argent, je dirais « non merci ! » Travailler avec le beurre quand le navire brule, quand le monstre a de la fièvre, non, ça n’amuse personne. Je laisse ça aux professionnels. Je considère mon petit margin comme bateau de sauvetage qui m’a amené sur les berges. Heureusement que le bateau n’avait pas pris la mer… Plus l’incertitude sur les marchés sévit, plus les margins s’abaissent. Sauf pour certains intervenants privilégiés. Mon ami trader m’explique l’effet levier. A titre de comparaison : Mon petit margin de hobby tradeuse avait un effet levier de un pour huit. Les Hedge Funds disposeraient d’un effet de levier de un pour cinquante. Tout ce qu’ils peuvent encore perdre….
    De quoi est fait demain, Philippe ? La crise financière, elle est finie ou pas ? Si on savait. La montée a lieu depuis quelques jours mais Philippe est devenu frileux. Il ne veut plus risquer ses quelques deniers. Ca vous apprend l’humilité, qu’il me dit. L’homme est si peu face aux forces de la nature. Tu avais pourtant prédit, mon chéri, que le système ne pouvait plus tenir longtemps, qu’il ressemblait à un château de cartes et qu’il finirait par s’écrouler. Quand la débâcle a débuté, tu as crié : «Ce n’est pas possible qu’ils laissent faire… » N'a-t-il jamais construit des châteaux ? Moi, si. Même mon grand frère Rudi était impuissant quand la tour s’effondrait. Le moment le plus excitant, c’est quand on pose la dernière rangée, le record à battre. Personne ne bouge plus, on retient le souffle. Quelle déveine quand la porte s’ouvre juste à ce moment et l’appel d’air anéanti tous nos efforts de braver les lois de la nature.

    E.M


  • #2
    ça manque un peu de sauts de lignes, mais c'est génial

    Commentaire

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