L'Autorité des marchés financiers enquête sur les profits réalisés par des spéculateurs astucieux
LE MONDE | 02.02.05 | 14h34
En jouant à très court terme en Bourse, les deux hommes sont parvenus à gagner plus de 8 millions d'euros en moins de deux ans. La technique utilisée serait frauduleuse.
C'est une histoire qui pourrait figurer parmi les récits de fortunes miraculeuses. En moins de deux ans, entre 2003 et 2004, deux jeunes traders astucieux gagnent plus de 8 millions d'euros avec une mise initiale de quelques dizaines de milliers d'euros. Leur terrain de jeu : "le pennystock", ce marché des actions dont la valeur n'excède pas 1 euro. Leur technique : "le day-trading", qui consiste à jouer sur des variations de cours à la minute et profiter de faibles écarts de cours pour engranger les plus-values.
Pourtant, l'issue de cette histoire est moins heureuse. L'Autorité des marchés financiers (AMF) s'apprête à transmettre les conclusions de son enquête à la commission de sanctions. La justice a été saisie en octobre 2004. L'AMF a obtenu, en référé, le 26 août 2004, du président du tribunal de grande instance de Paris, la mise sous séquestre des fonds gagnés par ce duo imaginatif. Une procédure qui n'a été utilisée qu'à quatre reprises depuis 1999.
Le gendarme boursier soupçonne les heureux gagnants de cette cagnotte d'avoir manipulé les cours au moyen d'une technique inédite mais frauduleuse. Les deux suspects seraient parvenus, grâce à la complicité de deux intermédiaires financiers et au manque de vigilance d'Euronext, à décaler le cours d'actions à bas prix tels que celles d'Eurotunnel, Alstom, Alcatel, Valtech ou Eurodisney.
Selon le tribunal, le mécanisme était le suivant : "Ils acquièrent un grand nombre de titres d'une société cotée, en prenant sur le carnet d'ordres central de la Bourse une position d'acheteur, ce qui accrédite l'idée que les titres sont recherchés, pousse les investisseurs à offrir un prix supérieur à la limite des ordres d'achat passés par les deman- deurs, puis ils annulent très vite ces positions d'acheteur pour revendre les titres acquis lorsque la hausse recherchée du cours s'est produite."
Tout débute véritablement le 18 août 2003, lorsque Yan Zhang, un informaticien de nationalité canadienne âgé de 38 ans, crée la société AI investment qu'il domicilie à Port-Louis, à l'île Maurice. Depuis janvier 2003, associé à un Français résidant dans la région parisienne, il exploitait la faille du système. Les plus-values se sont accumulées. Mais il agissait à partir de ses comptes personnels ouverts chez Bourse Direct et Dubus. Désormais, il préfère intervenir via cette société mauricienne.
Au mois d'août 2004, craignant leur transfert vers la Suisse, l'Autorité des marchés financiers demande à la justice de bloquer les fonds. Selon l'AMF, le 10 septembre 2003, sur 50 ordres d'achats de titres Eurotunnel, plus de 40 sont annulés. Yan Zhang encaisse une plus-value de 2,7 millions d'euros entre janvier et décembre sur ce titre.
Le 4 novembre 2003, 24 ordres sont annulés sur 26 sur le titre Valtech. En deux heures, ce jour-là, le gain brut est de 6 487 euros. Cette somme, modeste en apparence, représente 3 millions de titres positionnés à l'achat. Les interventions réitérées sur Valtech, entre février et décembre 2003, permettent de générer un gain de 1 200 %, en gonflant les gains de 247 000 euros à 3,2 millions d'euros.
Lors de la plupart des interventions, de 70 % à 80 % des ordres sont annulés et les auteurs de ces opérations acquièrent souvent moins de 10 % de la quantité totale des achats annoncés. De janvier 2003 à août 2004, Yan Zhang a réalisé 8,7 millions d'euros de profits, soit un rendement de 2 700 %.
Me Guillaume Dolidon, avocat de Yan Zhang et de son associé, s'est refusé à tout commentaire. Lors du débat sur la saisie des fonds, au mois d'août 2004, la défense des traders a fait valoir qu'"aucun manquement au règlement de l'AMF n'avait été com-mis" et que l'annulation d'ordres d'achat de titres relevait de l'activité normale du "day-trading".
L'AMF a indiqué qu'elle ne faisait aucune déclaration sur une enquête en cours. Son avocat, Me Dominique Schmidt, a assuré que la mise sous séquestre procédait d'une procédure "tout à fait contradictoire".
Jacques Follorou
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.02.05
trouvé sur un forum Bourso ...
LE MONDE | 02.02.05 | 14h34
En jouant à très court terme en Bourse, les deux hommes sont parvenus à gagner plus de 8 millions d'euros en moins de deux ans. La technique utilisée serait frauduleuse.
C'est une histoire qui pourrait figurer parmi les récits de fortunes miraculeuses. En moins de deux ans, entre 2003 et 2004, deux jeunes traders astucieux gagnent plus de 8 millions d'euros avec une mise initiale de quelques dizaines de milliers d'euros. Leur terrain de jeu : "le pennystock", ce marché des actions dont la valeur n'excède pas 1 euro. Leur technique : "le day-trading", qui consiste à jouer sur des variations de cours à la minute et profiter de faibles écarts de cours pour engranger les plus-values.
Pourtant, l'issue de cette histoire est moins heureuse. L'Autorité des marchés financiers (AMF) s'apprête à transmettre les conclusions de son enquête à la commission de sanctions. La justice a été saisie en octobre 2004. L'AMF a obtenu, en référé, le 26 août 2004, du président du tribunal de grande instance de Paris, la mise sous séquestre des fonds gagnés par ce duo imaginatif. Une procédure qui n'a été utilisée qu'à quatre reprises depuis 1999.
Le gendarme boursier soupçonne les heureux gagnants de cette cagnotte d'avoir manipulé les cours au moyen d'une technique inédite mais frauduleuse. Les deux suspects seraient parvenus, grâce à la complicité de deux intermédiaires financiers et au manque de vigilance d'Euronext, à décaler le cours d'actions à bas prix tels que celles d'Eurotunnel, Alstom, Alcatel, Valtech ou Eurodisney.
Selon le tribunal, le mécanisme était le suivant : "Ils acquièrent un grand nombre de titres d'une société cotée, en prenant sur le carnet d'ordres central de la Bourse une position d'acheteur, ce qui accrédite l'idée que les titres sont recherchés, pousse les investisseurs à offrir un prix supérieur à la limite des ordres d'achat passés par les deman- deurs, puis ils annulent très vite ces positions d'acheteur pour revendre les titres acquis lorsque la hausse recherchée du cours s'est produite."
Tout débute véritablement le 18 août 2003, lorsque Yan Zhang, un informaticien de nationalité canadienne âgé de 38 ans, crée la société AI investment qu'il domicilie à Port-Louis, à l'île Maurice. Depuis janvier 2003, associé à un Français résidant dans la région parisienne, il exploitait la faille du système. Les plus-values se sont accumulées. Mais il agissait à partir de ses comptes personnels ouverts chez Bourse Direct et Dubus. Désormais, il préfère intervenir via cette société mauricienne.
Au mois d'août 2004, craignant leur transfert vers la Suisse, l'Autorité des marchés financiers demande à la justice de bloquer les fonds. Selon l'AMF, le 10 septembre 2003, sur 50 ordres d'achats de titres Eurotunnel, plus de 40 sont annulés. Yan Zhang encaisse une plus-value de 2,7 millions d'euros entre janvier et décembre sur ce titre.
Le 4 novembre 2003, 24 ordres sont annulés sur 26 sur le titre Valtech. En deux heures, ce jour-là, le gain brut est de 6 487 euros. Cette somme, modeste en apparence, représente 3 millions de titres positionnés à l'achat. Les interventions réitérées sur Valtech, entre février et décembre 2003, permettent de générer un gain de 1 200 %, en gonflant les gains de 247 000 euros à 3,2 millions d'euros.
Lors de la plupart des interventions, de 70 % à 80 % des ordres sont annulés et les auteurs de ces opérations acquièrent souvent moins de 10 % de la quantité totale des achats annoncés. De janvier 2003 à août 2004, Yan Zhang a réalisé 8,7 millions d'euros de profits, soit un rendement de 2 700 %.
Me Guillaume Dolidon, avocat de Yan Zhang et de son associé, s'est refusé à tout commentaire. Lors du débat sur la saisie des fonds, au mois d'août 2004, la défense des traders a fait valoir qu'"aucun manquement au règlement de l'AMF n'avait été com-mis" et que l'annulation d'ordres d'achat de titres relevait de l'activité normale du "day-trading".
L'AMF a indiqué qu'elle ne faisait aucune déclaration sur une enquête en cours. Son avocat, Me Dominique Schmidt, a assuré que la mise sous séquestre procédait d'une procédure "tout à fait contradictoire".
Jacques Follorou
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.02.05
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