La crise du Suprime est-elle un danger ?
« Subprime » est le mot qui fait peur depuis quelques semaines. Le marché a semblé découvrir au début du mois d’aout un phénomène qui, pourtant, était parfaitement connu des professionnels. Il convient de s’interroger sur la réalité de cette crise, les risques à moyen terme qu’elle fait peser sur l’économie mondiale, à supposer que ce problème localisé aux Etats-Unis puisse réellement peser sur l’économie mondiale.En quelques mots, de quoi s’agit-il ? De multiples relèvements de taux ont affecté les acquéreurs d’un bien immobilier qui avait souscrit un emprunt à taux variable.
On estime à 7 millions le nombre de foyers impactés par la hausse du coût de leur crédit, et à quelques centaines de milliers ceux qui ne peuvent plus, en l’état, payer les mensualités. Les organismes préteurs se disent en difficulté, pourtant, un défaut de solvabilité d’un emprunteur ne veut pas dire que le préteur perd son argent. En cas de défaut majeur, le bien gagé devient la propriété du préteur. L’argent frais ne rentre plus régulièrement puisqu’il est remplacé par de l’actif immobilisé. Mais à moyen terme, est-ce vraiment une si mauvaise affaire ? Pas si sûr. C’est peut-être même une bonne opération, à condition que le prix de l’immobilier ne s’érode pas trop et donc que la demande ne fléchisse pas trop. Nous essayerons de cerner cette problématique sous le double aspect de la demande liée au crédit, et de l’offre qui faiblit depuis des mois, ce qui permet d’esquisser déjà une réponse, les déséquilibres entre l’offre et la demande sont entré en phase de rééquilibrage depuis des mois, et même depuis un peu plus longtemps du côté de l’offre, et c’est un point essentiel.
Le marché a déjà fourni la plus grosse part de son travail.
La crise dite du « subprime » s’est surtout matérialisée par un assèchement des courants financiers entre les institutions financières privées, au point que les banques centrales ont dû intervenir.
C’est une crise de confiance, pas un problème de disponibilités.
Les chiffres révèlent que les liquidités sont à un niveau particulièrement élevé. Donc en attente de placement. Quel que soit le support, il faudra bien qu’elles s’investissent, autrement elles ne rapporteront rien et subiront l’érosion monétaire, quand bien même l’inflation est, d’un point de vue historique, relativement faible, l’argent qui dort et de l’agent qui meurt à petit feu.
Examinons cette « crise », même si l’expression est un peu racoleuse, sous le triple aspect du marché du crédit, de la demande et de l’offre immobilière.
Réglons de suite la question de la demande d’un point de vue psychologique. Chacun rêve d’accéder à la propriété. Cette aspiration ne peut connaître qu’une seule limite : le prix du bien. Ce qui nous renvoie aux deux autres aspects du problème.
L’offre, s’est sérieusement tassée en amont, c’est-à-dire la construction neuve, depuis des mois. Réaction logique puisque les opérateurs ont détecté assez tôt les difficultés que rencontreraient le marché du fait de la hausse des taux et de la baisse des prix que cela engendre mécaniquement. Il ne fallait pas être sorcier pour le deviner. En effet, dans un marché structurellement sain, le prix de l’immobilier est pénalisé par la hausse des taux, et tout au contraire, s’apprécie en cas de baisse des taux. C’est une chose qu’il va falloir constamment garder à l’esprit pour la suite de ce notre raisonnement.
Reste la clé du problème, qui échappe totalement au marché puisque lui étant exogène : la variable d’ajustement côté coût du crédit, qui, comme nous l’avons dit, est cruciale pour la fixation du prix du bien lui-même. Le taux d’intérêt est l’arme monétaire par excellence dans le cadre d’un politique monétariste telle qu’elle se pratique aujourd’hui de part et d’autre de l’atlantique. Milton Friedman serait content de voir son bébé hanter le crâne des gouverneurs des banques centrales Européenne et Américaine.
Le taux d’intérêt est la variable d’ajustement des déséquilibres monétaires (financiers). Et doit lutter efficacement contre l’inflation véritable bête noire des monétaristes.
C’est donc au motif, prouvé ou pas, disons plutôt en l’état, de craintes d’inflation, que les banques centrales se sont donné le mot pour relever les taux sur lesquels est peuvent agir, et se faisant, elles agissent et pèsent sur l’ensemble de la structure financière. Les taux fondamentaux impactent les taux subsidiaires qui en découlent. C’est imparable et les banque centrales le savent bien. L’origine de la crise du subprime en particulier, et de l’immobilier en général aux Etats-Unis a bien son origine dans le resserrement monétaire opéré depuis quelques années. Et aucun professionnel sérieux ne pouvait l’ignorer.
Les ajustements ont donc commencé à s’opérer en amont, dans le neuf, sans que cela n’inquiète outre mesure la communauté financière, puisque le processus normal de rééquilibrage se faisait en bon ordre. Puis, subitement, la crise des remboursements a été pointée du doigt à la faveur de quelques annonces fracassantes d’établissement privé en apparente difficulté. Là aussi, on doit se dire que les professionnels ont vu les difficultés de remboursement de certains, car, en dépit de la hausse des revenus qui est réelle aux Etats-Unis, la variabilité des taux a pu surprendre les acquéreurs qui avaient cru pouvoir bénéficier de taux bas tout au long du cycle de remboursement. Hélas pour eux, les banquiers centraux en ont décidé autrement.
C’est là qu’il faut s’interroger quant à savoir qui détient la véritable responsabilité de cette crise qu’on nous dépeint comme le fruit de préteurs sans scrupules et d’emprunteurs insouciants.
Le métier des établissements de crédit et le prêt. Le désir des hommes est d’accéder à la propriété. Peut-on blâmer les uns et/ou les autres, d’avoir matérialisé leur projet par un deal absurde ? Les préteurs auraient –ils eu raison de prêter à un taux fixe très bas qui les enchainaient au risque monétaire ? Les familles ont-elles eu tort de saisir l’opportunité de taux particulièrement attractif ? Répondre oui c’est tout simplement remettre en cause le principe du marché. Ce n’est pas notre objet.
Mieux vaut pointer, à notre tour, la responsabilité du régulateur des taux. Les banques centrales, dont nous savons qu’elles jouissent de ce droit régalien.
A relire les déclarations récurrents des gouverneurs, depuis quelques années, ils insistent d’avantage sur les risques d’inflation que sur les chiffres bruts. C’est que ces chiffres ne leur donne pas vraiment raison. L’inflation réelle telle qu’on la mesure, et il ne s’agit pas de faire le procès des outils de mesure, reste véritablement un modèle de sagesse, aussi bien de ce côté de l’atlantique que de l’autre. D’ailleurs la terminologie des grands argentiers trahi la faiblesse de leur argumentaire. « Il se pourrait que… » « Il y a un risque que… » On a bien du mal à nous démontrer que l’inflation gangrène l’économie, alors on évoque son spectre. Et ça marche d’autant mieux que ceux qui décident « arbitrairement » de la variation des taux sont tout puissants et jaloux de cette extraordinaire puissance. Ne la contestons pas, contentons nous d’en observer les conséquences.
Les taux réels sont aujourd’hui bien trop élevés. Et c’est le point d’arrivée crucial de cette analyse. Qu’appelle-on taux réels ? C’est la différence entre le taux nominal et le niveau de l’inflation. Autrement dit l’écart entre les taux affichés par les banques centrales et le niveau de l’inflation tel qu’ils la mesurent. Il est excessif ! Et voilà la base du problème. L’enchainement est logique.
Il était tout autant déraisonnable d’abaisser les taux comme la fait M. Greenspan que de les remonter comme il l’a fait et comme à continué son successeur. C’est à cette prise de conscience à laquelle nous assistons lorsque les banques centrales réagissent en se déclarant prête à tout pour empêcher l’aggravation de la crise, ou encore lorsque sa politique est annoncée « accommodante » par M. Trichet.
N’est-il pas trop tard pour agir ?
Non, dans la mesure où l’économie globale reste saine. Et bien entendu, si on agit comme il convient de le faire.
Ce serait mieux si cette prise de conscience s’accompagnait à l’avenir d’une réaction à des chiffres d’inflation réels, plutôt que d’obéir à des anticipations douteuses par nature. Car de fait, lorsque les banques centrales tentent d’anticiper, elles ne font rien d’autre que « spéculer ». Selon leur propre crédo et sans se soucier à priori des conséquences.
Ce n’est pas le crédo monétaire qui est en cause, mais sa déviance qui en fait une doctrine de la spéculation, et non une politique d’ajustement.
Voilà où nous attendons la mutation des gardiens de l’orthodoxie, pas dans un renoncement qui serait une perte de contrôle des grands équilibres, mais dans l’application du principe de prudence qui veut que la banque centrale accompagne la prospérité économique sans chercher à l’entraver tant que la croissance ne déraille, ni ne dérape en stagflation. Et tel n’est pas le cas. Tout au contraire, en s’obstinant dans cette voie des anticipations, et de son corolaire de hausse des taux réels, ces institutions pourraient sévèrement endommager la croissance, et l’emploi.
C’est ce qui nous amène à conclure qu’un cycle de baisse des taux va s’amorcer.
S’il est délicat de prendre pari sur l’ampleur de ce cycle. On doit admettre qu’outre-atlantique, une baisse de 100 points de base laisserait les taux réels positifs.
Et de poser cette question aux grands argentiers, « de combien de points réels faut-il s’assurer pour garantir l’orthodoxie monétaire ? ». On serait tenté de répondre, « le moins possible ». Mais eux seuls ont le pouvoir de fixer la règle.
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