Je crois utile de m’exprimer plus clairement sur ce thème que je ne l’ai fait l’autre soir, d’autant que certains, combinant mon message avec les breuvages de notre hôte, pourraient maintenant la chercher au fond de la dive bouteille…
A un ami psychanalyste qui, récemment, me demandait : « Alors, la Bourse ? », j’ai répondu : « Avec la psychanalyse, on est sûr de dépenser de l’argent tandis que, avec la Bourse, on peut espérer en gagner. C’est dangereux, bien sûr, mais je t’assure qu’en termes de découverte de soi, ça vaut la psychanalyse ! ».
Il m’a regardé en souriant, j’ai considéré que c’était une invite à lui en dire davantage. Que voulez-vous ? par profession, les psychanalystes savent écouter. C’est son cas. J’ai donc développé le parallèle que je n’ai fait, l’autre soir, qu’esquisser devant vous…
Ce qui, en Bourse, est totalement nouveau pour moi, c’est que, pour la première fois depuis la petite enfance, je tente d’entrer en relation avec quelqu’un ou quelque chose qui ne tient absolument aucun compte de moi. Quoi que je fasse ou ne fasse pas, le marché s’en fout complètement. Je gagne, je perds, je boude, je m’intéresse à telle valeur, je délaisse telle autre, je mets le paquet ou j’y vais progressivement, je sors un moment ou je reviens en force… C’est pareil.
Et pourtant, la Bourse n’est pas un mur, une chose inerte. Elle bouge constamment et, manifestement, il y a quelque chose à gagner si j’accompagne ses mouvements. Encore faut-il les anticiper correctement.
Gagner, c’est pour cela que je suis en Bourse, mais cela ne m’aide pas d’y penser. Tant que je le fais, que je Me lamente, que je M’exalte, que je Me fais des « dreams » ; que je mets au point Mes stratégies et peaufine Mes tableaux de calcul, je reste centré sur moi, et ce Moi ne cesse de m’encombrer : il me rend incapable de « sentir » le marché : je m’écoute au lieu d’écouter le marché.
C’est là que le trading rejoint la psychanalyse.
Le trading sert à gagner de l’argent. La psychanalyse aussi, diraient les mauvaises langues (yl ?) mais, en théorie du moins et, quelquefois en pratique, elle sert à aider ceux que la médecine appelle les « patients » (ceux qui souffrent) et qu’elle appelle les « analysants ».
La psychanalyse est un métier d’aide. Or, pour aider autrui, le psychanalyste ne « fait » pratiquement rien. Ce n’est pas facile de bien écouter. Il faut être en paix avec soi-même et le monde et avec la personne qu’on écoute, sans crainte ni désir particulier, alerte, disponible, attentif à tout sans tenir à rien : pratiquer une attention flottante, celle qui permettra, avec la rapidité de réflexe et la sûreté de geste d’un grand professionnel de saisir l’opportunité pour faire, de temps à autre, l’intervention opportune qui, par sa précision et la qualité de son timing, produira, dans la bonne direction, l’effet le plus juste, peut-être décisif, pour la dépense d’énergie la plus faible. Le premier devoir du psychanalyste, comme celui du médecin dont procède son éthique, n’est-il pas, d’abord, de ne pas nuire ?
Il en est, je crois, de même pour le trader. Je ne parle pas d’expérience, parce que je ne suis pas un bon trader. Je parle donc ici de ce que j’imagine mais j’ai vérifié ce qui précède dans tellement de situations que je suppose que cela vaut, aussi, pour le trading.
Trader amateur, je suis aujourd’hui tout encombré de mes idées, de mes graphiques, de mes livres, de mes logiciels, et, bien sûr, de mes émotions, de mes craintes, de mes désirs, de mes objectifs. A l’évidence, je me sers mal de mes outils et, loin de les avoir intégrés, je ne les maîtrise pas. Je n’ai en ce domaine ni les longues et bonnes habitudes d’un grand professionnel, celles sans lesquelles il est impossible de s’abandonner aux improvisations inspirées d’où proviennent toutes les grandes réussites, ni le détachement attentif, l’attention flottante du bon (psych)analyste… ou du sage !
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